samedi 24 mai 2014

Concheil munichipal: souriez, vous êtes filmé !

La Chattemitée peut-elle interdire l'enregistrement, audio et/ou vidéo, des débats (publics) du concheil munichipal? Là dessus, la loi et la jurisprudence sont limpides: c'est non!


Des débats "fortement perturbés"? Vraiment? - La présence d'une (toute petite) caméra vidéo entre les mains du Kantzajammer lors du concheil munichipal extraordinaire sur l'école du mercredi 21 mai a causé quelque émoi dans les rangs des chats Persans de la majorité. Passons sur le pétage de câble du chat Valmalsepasser qui, fumasse d'avoir été filmé pendant les débats, a menacé une fois la séance close et devant un concheil et des parents d'élèves médusés, de "balancer la caméra par la fenêtre". Pour un élu, la grande, la très grande classe… Revenons plutôt sur la Chattemitée qui a enjoint au Kantzajammer de s'abstenir de filmer les réunions à venir de l'assemblée munichipale au motif qu'il aurait "fortement perturbé" le bon déroulement du concheil.

Equité et impartialité - L'argument, évidemment fallacieux, a ensuite été glissé à l'oreille d'une journaliste des Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA) qui, bien que n'ayant pas assisté à la séance de mercredi soir, l'a repris et l'a publié (voir ci-contre) sans demander à la Chattemitée de préciser la nature de la "perturbation" incriminée. Cette professionnelle de l'information n'a pas davantage contacté le Kantzajammer pour recouper avec lui les fondements de l'accusation lancée par la Chattemitée.  La Charte d'éthique de la profession dispose pourtant qu'un journaliste "digne de ce nom tient (…) l'équité et l'impartialité pour les piliers de l'action journalistique" et que "l'accusation sans preuve" constitue l'une des "plus graves dérives professionnelles". Pour être tout à fait précis, il convient d'ajouter que cette journaliste, Michèle Freudenreich, est la soeur du secrétaire de mairie de Katzenthal, Luc Freudenreich...

In fine, l'affaire du juge administratif - Question subsidiaire: si, comme le prétend (faussement) la Chattemitée, les débats ont été "fortement perturbés", pourquoi ne les a-t-elle pas interrompus ou, mieux, fait expulser le fauteur de trouble? Le Code général des collectivités territoriales lui confère, en effet, des pouvoirs de police générale lui permettant de réprimer les "atteintes à la tranquillité publique" et notamment "le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique", et donc dans la mairie. Mais attention: une telle mesure de police municipale serait susceptible d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif. Le juge serait alors appelé à statuer sur l'existence réelle des faits ayant motivé la décision.




Enregistrer les débats? Mais quelle horreur !

Que dit la jurisprudence ? La question reste donc: la Chattemitée a-t-elle le droit d'empêcher l'enregistrement audio et/ou vidéo des débats du concheil munichipal? Interrogée, elle a indiqué "croire que oui". Voici quelques éléments de jurisprudence qui devraient lui permettre de "croire" le contraire… Un extrait du Journal de l'Assemblée Nationale du 12 juillet 2005 (2005!) est à cet égard particulièrement intéressant. Il s'agit de la réponse du ministère de l'Intérieur de l'époque (Nicolas Sarkozy effectuait alors, du 31mai 2005 au 26 mars 2007, son deuxième séjour place Beauvau) à une question posée par une députée de Lorraine sur le thème précis de l'enregistrement des débats des conseils municipaux.
Marie-Jo Zimmermann, députée de la 3è circonscription de la Moselle, avait alors demandé à l'Intérieur de lui indiquer si, "lorsque la séance d'un conseil municipal est publique, le maire peut malgré tout interdire à un conseiller municipal d'enregistrer les débats ou interdire à un membre de l'assistance de procéder de son côté à l'enregistrement".

Interdit d'interdire - La réponse des services de Sarko est on ne peut plus claire. La voici dans son intégralité telle qu'elle a été publiée au Journal de l'Assemblée Nationale: "En vertu des pouvoirs de police de l'assemblée qu'il tient des dispositions de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales, il appartient au maire de prendre les mesures propres à assurer le déroulement normal des séances du conseil municipal. Le principe de publicité des séances posé par l'article L. 2121-18 du même code, qui a conduit le législateur à prévoir la retransmission des séances par les moyens de communication audiovisuelle, fonde le droit des conseillers municipaux comme des membres de l'assistance à enregistrer les débats. Ce droit reconnu par la jurisprudence administrative a conduit les juges à considérer comme illégale l'interdiction par le maire de procéder à un tel enregistrement dès lors que les modalités de l'enregistrement ne sont pas de nature à troubler le bon ordre des travaux de l'assemblée communale". Bon, c'est un peu technique mais c'est sans équivoque… Le Kantzajammar espère qu'en lisant, la Chattemitée voudra bien "croire" ce que jactent ses potes de l'Union des Matous Pâles (UMP).


Ou il y a d'la gêne, y'a pas de plaisir - La jurisprudence sur la question n'est pas moins limpide. Dans son arrêt n° 99BX01857 rendu le 23 juin 2003, la cour d'appel administrative de Bordeaux (CAA) a débouté la commune de Neuvic (Corrèze, 1.786 habitants) dont le maire avait interdit à un habitant d'enregistrer au magnétophone les séances du concheil munichipal parce que le fonctionnement dudit magnétophone constituait "une gêne pour lui et les conseillers municipaux". Dans ses attendus, la CAA avait notamment fait valoir que "ce motif n'était pas à lui seul (…) de nature à justifier légalement la décision d'interdire l'usage d'un magnétophone pendant une séance du conseil municipal".


Le Palais Royal, siège du conseil d'Etat à Paris
Interdiction cassée par le conseil d'Etat - De la même manière le 14 décembre 2011, le conseil d'Etat a cassé un arrêté d'interdiction générale et permanente d'utiliser un magnétophone pendant les délibérations du concheil munichipal pris par le maire de Donneville (Haute-Garonne, 1.037 habitants). Pour prendre son arrêté d'interdiction, le premier magistrat de cette commune avait considéré que l'enregistrement des débats "portait atteinte à leur sérénité" La plus haute juridiction de l'ordre administratif a au contraire considéré que "s'il appartenait au maire (…) de prendre les mesures assurant le déroulement normal des délibérations, il ne pouvait toutefois, en l'absence de circonstances particulières justifiant une telle mesure, en interdire l'usage d'une manière générale et permanente".

Atteinte à la sérénité des débats ? - Le 25 juillet 1980 déjà, le Conseil d'Etat avait pareillement invalidé une "décision verbale" du maire de Reuilly (Indre, 2.089 habitants) interdisant à un conseiller municipal d'enregistrer au magnétophone au motif que l'élu "portait atteinte à la sérénité des débats" et que le fonctionnement de l'appareil "gênait le maire et la majorité des conseillers municipaux". Pour ce dernier motif, la juridiction administrative suprême avait notamment considéré qu'"il n'était pas, à lui seul (…), de nature à justifier légalement la décision d'interdire l'usage d'un magnétophone pendant une séance du conseil municipal".

Mairie de Fontenay-sous-Bois
Pas d'autorisation à demander - Heureusement que dans nombre de communes, l'enregistrement vidéo des délibérations du concheil munichipal, ne pose aucun problème. La municipalité (de gauche) de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne, 57.323 habitants) a été l'une des premières à avoir mis en ligne les enregistrements intégraux. "Tout citoyen a le droit d'enregistrer (…) et de rediffuser sous forme de podcast (diffusion de fichiers audios et/ou vidéos sur l'internet, note du Kantzajammer). Il n'est pas nécessaire de demander une autorisation", indique son directeur de la communication. A bon entendeur, salut...

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